La documentation de The Cortland, prototype de l’Apple IIgs
Nous avons eu l’occasion de passer un peu de temps dans l’impressionnante documentation de développement de l’Apple IIgs, connu sous le nom de Cortland avant son lancement le 15 septembre 1986. Pourquoi Cortland ? Peut-être tout simplement parce qu’il s’agissait d’une variété de pomme, connue pour avoir détrôné les variétés qui l’avaient précédées, notamment la fameuse McIntosh !
Ce nom de code, on le retrouve partout dans les documents que nous avons pu consulter, répartis dans six gros classeurs. Une somme de plus de deux-mille pages, distribuée aux développeurs avides de tout savoir sur ce nouveau représentant de la famille Apple II. Un dernier représentant, reprenant plusieurs des caractéristiques de ses prédécesseurs, et faisant quelques pas dans la direction ouverte par le Macintosh, commercialisé deux ans plus tôt.
La présentation du petit nouveau était présenté ainsi par la marque : un ajout à haute performance dans la famille Apple II. “Comme Janus, le dieu des portes, Cortland regarde dans deux directions. D’abord, il regarde vers le futur : avec ses nombreuses fonctionnalités performantes, comme l’affichage amélioré en couleurs, la gestion moderne du son, le microprocesseur 16-bit, et sa mémoire élargie, Cortland permet aux futurs logiciels d’être plus puissant. Ensuite, Cortland regarde vers le passé : comme il dispose des fonctions de l’Apple IIe et de l’Apple IIc, il peut faire tourner la plupart des logiciels écrits pour ces ordinateurs”.
Si les classeurs portent la marque d’Apple Computer France et le nom du futur modèle, toute la documentation émane de la maison mère, elle est rédigée en anglais, et ne se réfère au futur ordinateur que par son nom de code. Si la plupart des documents sont datés des derniers mois précédant la sortie de la version définitive, tous ne sont pas au même stade de leur rédaction : certains sont en version finale, voire déjà mis en page selon les standards de la marque à l’époque, tandis que d’autres ne sont que des version alpha, voire de simples messages rédigés à la machine à écrire ou à l’imprimante matricielle.
Évidemment, on trouve ça et là des paragraphes ou des illustrations à compléter. Des “TBD” (to be done, à faire), des “TBC” (to be completed, à compléter), et même quelques révisions manuscrites de dernière minute ! Certains rédacteurs (car ils étaient nombreux à se partager la tâche) partageaient même des avis personnels, des questions, ou des suggestions.
Ici ou là, on trouvait aussi des textes et des illustrations qui relevaient plus de l’ébauche, attendant sans doute que les personnes dont c’est le métier les reprennent de manière plus professionnelle.
D’autres parties étaient clairement recopiées d’autres manuels de la marque, et sans doute en attente d’une actualisation ou d’une adaptation pour le petit dernier, comme les pages sur l’interface graphique, directement issues des manuels du Macintosh.
A ce sujet on remarque aussi que le système d’exploitation n’a pas tout de suite bénéficié d’un nom à lui. Apple a-t-elle pensé à un moment garder le nom de Cortland, comme elle avait gardé le nom de Macintosh deux ans plus tôt ? Peut-être, comme semble le prouver ce paragraphe, qui traite à égalité “le Macintosh” et “le Cortland”.
En tout cas, au moment où le système d’exploitation prend finalement le nom de ProDOS 16, le terme de Finder, un temps envisagé pour nommer l’interface de ce système comme sur le Macintosh, disparait de la documentation.
Une lecture attentive permet aussi de voir apparaître quelques secrets de fabrication, comme la puce Mega II, une sorte d’Apple II complet rétréci à l’échelle d’une seule puce électronique, chargée notamment d’assurer la compatibilité avec les logiciels 8-bits.
Bien sûr, les développeurs n’échappaient pas aux petits bugs et autres soucis, comme cette puce de gestion du son qui nécessitait une modification manuelle sur les premières cartes-mères de pré-production (reconnaissables à leur couleur verte contrairement aux prototypes en général de couleur rouge). Une manipulation qu’Apple réservait aux bricoleurs compétents. “Si vous ne l’êtes pas, trouvez quelqu’un qui l’est” !
Et si vous vous posez la question : oui, on trouve aussi des chapitres entiers auxquels on ne comprend rien, mais qu’il a bien fallu que quelqu’un rédige, et que d’autres lisent pour s’approprier le fonctionnement de ce nouvel Apple II.
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